L’apprentissage chez le cheval, quelle méthode ?

L’apprentissage chez le cheval, quelle méthode ?

Le cheval n’est pas un instrument mécanique, comme une moto sur laquelle on monte pour aller faire un tour, mais bien un être doué de sensibilité et intelligent. Il est capable de comprendre des mots, d’analyser chaque mouvement ou contraction musculaire pour déceler  notre humeur et nos intentions.

Le cheval est capable d’apprendre et d’associer à nos demandes une réponse précise, et par conséquent capable de réflexion si nous lui en donnons le temps et si nous sommes capables de lui reconnaître une forme d’intelligence. Pour se faire comprendre et communiquer avec lui, il nous faudra capter son attention et trouver une source de  motivation.

Les instincts du cheval

Le cheval par nature est une proie, il a conservé ses instincts de fuite malgré sa domestication. Il n’oubliera jamais que vous êtes un prédateur. Au moindre signe qui trahira la confiance qu’il  vous a accordée, ses instincts profonds se manifesteront et il prendra la fuite. Il est généreux mais sa confiance ne tient qu’à un fil.

Pour l’éduquer et capter son attention, il est important d’établir et de développer une relation de confiance. A l’inverse vouloir le dominer, le soumettre ou bien provoquer la fuite, ne ferait que conforter ses instincts innés de proie et l’éloigner du rapport de complicité que nous souhaitons développer et renforcer.

Le langage des chevaux

Sommes-nous capables d’analyser et de comprendre ce que nous dit le cheval, sans tomber dans des conclusions anthropomorphiques ?

Les chevaux utilisent un langage corporel, chaque mouvement, attitude, posture nous indiquent leurs états émotionnels. Ils disposent de leurs propres capacités cognitives pour faire face aux éléments extérieurs et ainsi assurer leur survie et celle du groupe. Notre cerveau n’est capable d’observer, d’interpréter et de comprendre qu’une infime partie du langage des chevaux.

Les signaux, les messages que le cheval nous envoie, doivent être traduits non pas comme nous le ferions avec nos semblables, mais comme ceux d’un animal doué d’une forme d’intelligence différente de la nôtre et bien plus développée sur le plan émotionnel. Ils sont capables de reconnaître chez nous bien des intentions alors que nous pensions les dissimuler. C’est un animal qui vit dans l’instant présent, sans arrière-pensée. Il n’est pas calculateur et ne programmera pas des intentions dans le futur, il agira en fonction de ce qu’il a vécu, de ce qu’il a appris, de ce qui est inscrit dans son inconscient. Il a une très bonne mémoire, il apprend très vite, le bon comme le mauvais.

Et s’il était carnivore

Le cheval est bien plus fort que nous, et nous ne faisons pas le poids face à lui, mais il ne le sait pas car nous sommes à ses yeux un prédateur. Imaginons un instant qu’il ait les dents pointues et qu’il soit  carnivore, alors nous serions contraints de revoir notre façon de l’approcher et de le travailler. Nous ne pourrions pas le traiter comme certains le font aujourd’hui, nous nous ferions dévorer. Au moindre signe d’agression de notre part, le  cheval ne prendrait pas la fuite, mais il nous ferait face et nous sauterait dessus la bouche grande ouverte c’est nous qui prendrions la fuite très vite ! Heureusement pour nous ce n’est pas le cas et c’est un animal très docile, qui s’effraie rapidement et prend la fuite.

Comment exprime t-il sa douleur, ses inquiétudes ?

Pour beaucoup de chevaux l’équitation est une torture. Pour qui ne prend pas la peine de regarder son cheval la douleur ne se voit pas et ne s’entend pas, elle est silencieuse et pernicieuse. Elle est pourtant présente dans bien des cas. Regardez d’un peu plus près la bouche des chevaux de grand prix ! A elle seule, elle traduit déjà beaucoup de souffrance ! Regardez dans les yeux des chevaux ils reflètent leurs ressentis : joie, insouciance, décontraction, souffrance, peur, incompréhension, ou pire : abandon, absence, résignation.

Pour manifester leur douleur, la seule et unique manière dont ils disposent pour s’exprimer, c’est la fuite, pour encore qu’ils en aient la possibilité. Le cheval mal monté, en souffrance, va se manifester en portant son attention sur des éléments extérieurs, c’est un premier signe de fuite. Puis tout va devenir une source d’inquiétude, son état émotionnel étant au plus haut, il devient hyper réactif et ingérable. Il est physiquement avec le cavalier, mais plus du tout psychologiquement. Certains vont manifester leur mal-être et leur souffrance par des sauts de mouton, le dos rond, d’autres c’est la fuite à toute allure, d’autres se mettront debout. Et au bout d’un certain temps, variable selon les individus, on pourra aboutir à une démission totale, un cheval zombie ! Toutes ces manifestations sont la plupart du temps dues à un inconfort, un stress, une douleur, à l’incompréhension et non comme nous pourrions le penser à un signe de désaccord ou de fainéantise.

Bien des problèmes pourraient être évités si la pratique de l’équitation  ressemblait aux autres disciplines sportives, c’est-à-dire une remise en question permanente et une technique réfléchie et irréprochable. Pour cela il faut des années de travail dans la pratique de l’équitation ; Cela nécessite humilité, travail de longue haleine, mais le cavalier est bien plus enclin à ne plus sous-estimer ses capacités sportives et reporter perpétuellement la responsabilité de ses échecs sur le cheval.

Je constate chaque jour que l’équitation aujourd’hui ressemble le plus souvent à une discipline soumise à l’intuition, plus qu’à la réflexion. Dommage car les résultats seraient bien au-delà de ce que nous pouvons observer aujourd’hui.

Quelle méthode pour se faire comprendre

Pour communiquer avec le cheval il nous faudra encourager ou décourager des comportements. Le cavalier utilisera un stimulus pour  déclencher un comportement, celui-ci pourra être vocale, tactile, gestuel. Ce stimulus  entraînera une réaction du cheval, qui sera renforcée ou non par notre propre réaction. Je parlerai ici de deux méthodes :

Le renforcement négatif

Si nous utilisons un stimulus inconfortable, désagréable, voire même quelquefois douloureux, l’animal doit utiliser ses instincts de fuite pour  trouver une bonne réponse et pour se sortir de cet inconfort. Dès que la bonne réponse est obtenue, le stimulus cesse et l’animal retrouve un confort relatif. Ne vous méprenez pas, l’inconfort est bien un renforcement négatif. Même si le stimulus peut sembler anodin au départ, il doit être administré à une intensité croissante jusqu’à obtenir le comportement souhaité.

Pour ma part, ce renforcement a ses limites et ne peut donner ni  brillant ni expression au cheval. Le cerveau est pollué par l’inquiétude, le stress, lui retire toute possibilité de réflexion dans le calme et provoque la fuite. Le renforcement négatif, utilisé seul, produit des animaux résignés, robotisés, sans aucune expression. L’apprentissage conditionnera ces animaux à agir par réflexe de survie et non par enthousiasme et réflexion.

Imaginez l’apprentissage d’un enfant, s’il a peur, ou s’il est agité, énervé ? Son cerveau serait pollué par toutes ses craintes, ses inquiétudes, ses peurs, l’apprentissage aurait des limites. Le stress, la nervosité inhibent l’intelligence, la réflexion et le bon sens. Ceci est valable autant pour nous que pour les animaux.

 

Le renforcement positif

Nous utiliserons un stimulus pour orienter le cheval vers le comportement que nous souhaitons obtenir. Le code mis en place sera petit-à-petit associé à la réponse attendue que nous récompenserons par une gratification sous forme de friandise et caresse associée au même mot « très bien » ou « bravo » ou autres. Toute mauvaise ou non-réponse sera ignorée. Peu à peu le code sera mémorisé par le cheval.  La répétition de l’exercice aboutira à des automatismes dans le cerveau du cheval.  La pleine conscience du début de l’apprentissage se transformera en magie de l’inconscient à force de répétition afin de devenir des automatismes. Une fois les exercices compris, réalisés et automatisés, le cheval s’exécute avec les différents stimuli qu’il a appris, et ce n’est qu’avec le bout des doigts sur l’encolure associé au même mot, que nous le félicitons. Il aura appris dans le plaisir, son cerveau aura associé le plaisir à l’apprentissage, il ne sera alors plus nécessaire de renforcer avec autant de friandises, principalement la voix et/ou la caresse suffiront à récompenser le cheval.

Chaque nouvel apprentissage doit être récompensé avant de devenir après plusieurs répétions un automatisme et passer dans le domaine de l’inconscient.

Un cheval travaillé de cette manière sera confiant, attentif, il agira avec réflexion et non par réflexe de survie,  il développera un brillant artistique d’une expression et d’une légèreté incomparable.

Il est  scientifiquement prouvé que ce type d’apprentissage permet d’obtenir des réponses de plus en plus rapides, et durables. Il est mis en valeur auprès de nombreux professionnels pour éduquer les animaux, mais inexistant ou presque pour les professionnels des chevaux.

Un concept moderne de dressage

Il est bien rare, dans le monde du dressage aujourd’hui que ce soient des oiseaux, des otaries, des chiens, de ne pas se servir d’une récompense alimentaire pour renforcer un comportement et obtenir avec enthousiasme  de la part de l’animal la réponse demandée. Scientifiquement prouvé auprès des humains, et des animaux, le renforcement positif est une méthode d’apprentissage qui permet de réduire l’inquiétude, le stress, de développer la motivation et l’enthousiasme et par conséquent de capter l’attention de l’animal.

Si nous prenons l’exemple des soigneurs dans les zoos, le renforcement positif est utilisé pour que l’animal coopère en toute confiance afin de rendre commode le travail des soigneurs. Éléphants, rhinocéros, phoques, primates, sont ainsi travaillés chaque jour pour faciliter les soins quotidiens ou inhabituels. Cela instaure un climat de confiance et renforce la complicité entre le soigneur et l’animal, réduit la durée de chaque nouvel apprentissage. L’animal confiant est intéressé, très attentif à la moindre demande et sa réponse beaucoup plus rapide.

A vous de choisir

Un cheval fuyant, absent, inattentif, voire réticent à se retrouver en votre compagnie, pris aux pièges entre des mains et des jambes et toutes sortes de matériels artificiels ? Un esclave ?

Ou bien, un cheval intelligent, observateur, attentif ?

Aujourd’hui je peux l’affirmer après des années d’expériences,  que le meilleur apprentissage se fait avec le renforcement positif. Plus j’avance et plus je prends mon temps, finalement je suis gagnante et récompensée par une facilité dans l’apprentissage du cheval. Je gagne du temps en prenant mon temps ! Le cheval devient généreux, attentif, heureux, expressif par conséquent la durée de chaque nouvel apprentissage est de plus en plus réduit. J’obtiens un cheval coopératif et demandeur.

Pour finir

Chaque cheval est différent, il est essentiel de prendre en considération sa conformation, sa race,  son âge afin de pouvoir gérer de la meilleure façon son  apprentissage et adapter son travail.

C’est ensuite au cavalier d’écouter, d’observer, d’analyser et de comprendre les signaux que le cheval envoie, c’est un travail permanent.

« Il est rare que les défenses aient d’autres causes que la faiblesse du cheval ou l’ignorance du cavalier.  »
François BAUCHER

C’est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions
N’hésitez pas à me contacter par mail

5 Commentaires

  • caroline chomarat

    24 mai 2016 at 11 h 30 min Répondre

    Dans mes études j’apprend beaucoup de chose sur le langage corporel, tout ce qui relève de la conscience du corps, du langage tonico-émotionnel et plein d’autre chose mais je doit dire que ce qui me fait le plus prendre conscience de tout ça c’est bien mon cheval, qui, à sa façon me montre bien mes réussites et mes erreurs.
    Grand merci à Bernadette qui m’a bien fait évoluer et qui m’a appris à m’écouter et à écouter mon titou !

  • Villard christine

    23 janvier 2017 at 20 h 55 min Répondre

    Ne trouvant pas mon compte dans les différents dérivés de méthode ‘classique’ et ayant vu un nombre incalculable de chevaux en souffrance psychologique et physique , j’ai longtemps cherché une approche permettant un respect de l’animal tout en garantissant des résultats sportifs et artistiques. Le renforcement positif, associé à des aides respectueuses, m’a permis de re-découvrir l’équitation ainsi que de remettre sur une bonne trajectoire, ma jument qui serait devenue rétive avec les méthodes enseignées dans la plupart des centres. Ce que je trouve malheureux, c’est l’absence de dialogue possible avec une majeure partie des cavaliers qui ne font que suivre des préceptes de ‘gourous’ sans réflexion personnelle ! Notamment sur l’aspect friandise alors que pour la plupart des autres animaux, c’est une technique éprouvée ! Merci Bernadette de m’avoir démontré à quel point ce n’était pas normal de se battre avec un cheval et que prendre son temps permet d’en gagner par la suite et d’aller plus loin !

  • Mikaël

    30 juin 2017 at 8 h 58 min Répondre

    Bravo pour votre article.
    Question : N’y a t-il pas autre chose que le langage corporel ? Je reprends vos mots :  » Ils sont capables de reconnaître chez nous bien des intentions alors que nous pensions les dissimuler. »
    Cette question ne nécessite pas forcément de réponse.
    Encore bravo et merci. Je poursuis la lecture

    • Bernadette Steffen, Cavalière, Enseignante DE

      2 juillet 2017 at 10 h 19 min Répondre

      Bonjour, et merci pour votre message et l’intérêt que vous portez a mes articles.

  • Elisabeth ROZIER

    16 février 2018 at 8 h 24 min Répondre

    Après avoir pratiqué de nombreuses méthodes, approches, théories…. le moment est enfin arrivé , lorsque nos chevaux sont disponibles, confiants, à l’écoute et comprennent que nos demandes ne vont pas provoquer douleurs, raideurs et blocages.. A partir de ce moment, pour peu que l’on ait de la patience et de la constance, tout devient possible. En travaillant en fonction de leur progression, ils évoluent dans le bon sens, et les cavaliers aussi. La décontraction est LA base de toute équitation, loisirs ou compétition. Et lorsqu’on oppose les deux, on a rien compris. A partir de là, la construction musculaire, l’équilibre, mental et physique est possible, dans toutes les disciplines, jusqu’au haut niveau. Peu de cavaliers y parviennent, mais ce n’est pas le but qui compte, c’est le chemin..

Répondre à Mikaël Annuler la réponse