Quelle gymnastique pour avoir son cheval sur la main en toute légèreté ?
La définition du cheval sur la main, en place est souvent mal interprétée, mal comprise. Je constate chaque jour en regardant des cavaliers propriétaires ou des professionnels travailler leurs chevaux, que c’est en usant et en abusant d’actions de mains et de jambes (je pousse, je tire) qu’ils cherchent à obtenir leurs chevaux sur la main. J’ai posé la question à un bon nombre d’entre eux, à savoir ce qu’ils comprenaient de cette définition et à chaque fois, dans leurs réponses, ils ne me parlent que de la position du chanfrein.
Cela devient leur préoccupation principale, regarder la tête du cheval continuellement, tirer sur les rênes de droite à gauche, jouer à ouvrir et refermer les doigts, ou bien figer les mains (basses bien sûr) en attendant que le cheval ouvert, la tête en l’air, cède. Les actions de mains coercitives auront sur la langue du cheval (organe très sensible et très vascularisé) des conséquences douloureuses et le cheval finira par se soustraire des mains du cavalier en s’enfermant.
Tout cela n’est pas très clair, si l’équitation se résume à regarder la tête du cheval, c’est alors très réducteur.
Personne ne peut en vouloir aux cavaliers, car c’est ce que des professionnels, ignorants bien souvent tout de la biomécanique, leur ont enseigné. Tout l’amour qu’ils portent à leurs chevaux, leur désir qu’ils soient en bonne santé, les conduit à écouter et faire confiance à leurs enseignants.
Bien entendu, dans cette logique, si le cavalier ne réussit pas à avoir son cheval sur la main, on va lui proposer des enrênements et d’autres artifices pour y arriver, et on y arrive…. Enfin pas tout à fait…
Le constat
Voici le tableau du cheval de sport aujourd’hui, tel qu’il est donné en exemple aux cavaliers, un cheval poussé par des actions de jambes et retenu par celles des mains, ce résultat est obtenu par la force et la contrainte.
Les conséquences
La ligne du dessus, c’est-à-dire le dos, est contractée, raidie, et par conséquent se creuse, les postérieurs se retrouvent loin derrière perdant de leur force propulsive, la nuque s’effondre et le chanfrein se retrouve en arrière de la verticale, les courbures cervicales s’accentuent, le ligament nuchal se relâche, l’encolure est cassée entre la 2ème et 3ème vertèbre et sa base s’affaisse, etc……. Il suffit de voir la détresse dans les yeux de ces pauvres chevaux pour comprendre l’inconfort provoqué par cette attitude. Ces chevaux travaillent dans la douleur avec toutes les conséquences traumatiques psychiques et physiques, souvent irréversibles, que l’on connaît aujourd’hui. Inutile dans ces conditions d’espérer obtenir des allures déliées, ni un cheval allant et heureux.
Comment savoir, si mon cheval est vraiment en place pour travailler ?
Si vous sentez des résistances, si vous êtes contraint d’utiliser des enrênements ou des mors de plus en plus puissants, si vous ne parvenez pas à obtenir des transitions montantes ou descendantes sans tirer sur la bouche, si vous ne réussissez pas à tourner et à diriger votre cheval aisément, en somme si vous avez l’impression que vous pratiquez un sport de combat, alors vous n’êtes pas sur la bonne voie. Par la répétition des séances, vous finirez par avoir un cheval en fuite, résigné pour certains, dangereux, rétif pour d’autres, vous obligeant à avoir des actions de mains et de jambes de plus en plus fortes. Pour ceux qui pratiquent l’obstacle, un cheval dont il est impossible d’avoir le contrôle des foulées, un cheval en fuite qui se débarrasse de tous les obstacles.
Pour mieux comprendre votre cheval, pratiquez un autre sport :
Mettez-vous à la place de votre cheval, vous vous lancez dans l’apprentissage d’une autre discipline sportive :
- Sur des skis par exemple, est-ce sur une piste noire à toute vitesse que vous allez apprendre à skier et à vous tenir en équilibre ?
- Sur un vélo, est-ce dans une descente à 25 % que vous choisirez de débuter ?
Non, surtout pas et vous ne deviendriez pas un sportif de haut niveau de cette façon, c’est l’abandon qui vous guette avec bien des dégâts physiques irréversibles. La première des motivations, c’est le goût pour le sport que vous allez pratiquer et choisir, ensuite c’est un entrainement progressif et méthodique qui fera de vous un grand sportif et ce n’est certainement pas l’intuition qui va vous guider mais la science. Quel que soit le sport que vous choisirez, chaque geste que vous apprendrez se déroulera lentement, dans le calme. Votre cheval a besoin du même schéma pour devenir un athlète.
Aujourd’hui, nous avons fait progresser les records sportifs grâce aux sciences, et à une meilleure connaissance du corps humain. C’est à vous, cavaliers, entraîneurs de vos chevaux, de développer les performances sportives de votre cheval en considérant l’équitation comme une discipline sportive exigeant les mêmes connaissances que celles utilisées pour les humains.
Au préalable
La disponibilité mentale et physique, est le point de départ du travail de dressage. C’est une relation de confiance qui doit s’établir entre vous et votre cheval, c’est à partir de là que commence le travail d’un cheval.
Ne chercher pas la précision, la perfection dès le départ, c’est dans la répétition d’un exercice que vous apprendrez et que vous perfectionnerez les gestes, la posture, pour vous et votre cheval, et cela prend du temps…….
« Demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup » Nuno OLIVEIRA
Exercice n° 1 : ÉTIRER LA LIGNE DU DOS
L’apprentissage d’un geste sportif, implique qu’il se déroule dans la lenteur et dans le calme. Les muscles profonds sont responsables de l’ajustement tonique et jouent un rôle important dans la stabilisation articulaire. Ce sont eux que l’on va solliciter dans la maîtrise d’un mouvement et le maintien des postures, il faut donc en priorité développer la sensibilité proprioceptive.
Cet exercice est à réaliser sur un grand cercle de 20 mètres, avec quatre barres au sol à égale distance au pas d’abord puis au trot.
Le cavalier devra se concentrer et anticiper de son regard, deux barres d’avance (un demi-cercle).
Nous allons commencer par étirer la ligne du dos. Pour cela, laissez à votre cheval le temps de trouver sa cadence au pas d’abord, puis au trot sans le pousser. Laissez glisser les rênes afin qu’il dirige son bout du nez vers l’avant et vers le bas (et non en dedans vers ses genoux ou ses pieds). Pour les chevaux qui n’ont pas l’habitude d’effectuer cette gymnastique, ne leurs demandez pas d’aller trop bas et encouragez les dès qu’ils commencent à descendre.
Dans cette position de relative perte d’équilibre le cheval est obligé pour se retenir d’utiliser sa chaine ventrale, muscles fléchisseurs de la ligne dorsale. Par conséquent le dos est étiré, tendu et le cheval porte son cavalier facilement.
Profitez-en pour sentir votre cheval et suivre le mouvement. (La détente du cheval et aussi celle du cavalier).
Un fois en bas, vous comptez 10 foulées puis doucement vous allez redresser votre cheval.
Exercice n° 2 : REDRESSER SON CHEVAL
Attention !
Il est bien évident qu’il ne faut pas rester le nez en bas ceci est un moyen et non une fin. Il faut maintenant redresser votre cheval par des actions justes et légères. C’est en conservant la contraction de sa ligne ventrale qu’il doit se redresser, et non en renversant et en contractant sa ligne du dessus (dos). Il doit apprendre devant à se grandir en utilisant les muscles profonds situés à la base de son encolure. Réajustez vos rênes délicatement et lentement, en gardant vos mains à la base de l’encolure, et servez-vous du haut du corps plus que vos mains pour vous grandir et repasser du poids sur l’arrière main.
Si cette gymnastique a été bien exécutée, après quelques répétitions, incurvé sur le cercle, votre cheval est sur la main il ne pèse pas mais se tient sur ses quatre pieds en équilibre. Vos rênes sont tendues avec quelques grammes et vous suivez la bouche de votre cheval. Bien entendu il est impératif pour le cavalier d’être lui aussi dans un équilibre juste et léger.
Le cercle de 20 mètres est un bon moyen pour amener le cheval à mémoriser le schéma de cette gymnastique, car incurvé sur le cercle et dans le calme vous obtiendrez qu’il se redresse dans une bonne attitude. Une fois automatisé, que ce soit sur des courbes ou en ligne droite, le cheval dans le confort adoptera une bonne posture, vous pourrez alors travailler l’équilibre de votre cheval facilement.
C’est à partir de cette gymnastique de départ, quel que soit le niveau de dressage de votre cheval, que vous obtiendrez un cheval sur la main et en place, votre cheval sera léger, souple et disponible, vous pourrez exécuter des exercices d’assouplissement, développer les forces de votre cheval, et améliorer ses allures.
Ce que vous ne devez pas voir
Si votre cheval se relève avec le bout du nez en l’air et en s’ouvrant, vous n’êtes pas sur la bonne voie, votre cheval se relève en contractant sa ligne dorsale et vous perdez tout le bénéfice de cet exercice. Recommencez l’exercice en améliorant vos demandes.
Comment sentir si mon cheval est sur la main ?
Oubliez la tête et le chanfrein de votre cheval, pour vérifier que votre cheval est sur la main, il vous suffit de sentir….
- Que vous pouvez à tout moment par des actions légères obtenir un changement d’équilibre, obtenir des transitions montantes et descendantes facilement
- Que vous pouvez prendre des courbes à droite et à gauche dans un bon équilibre (sur les quatre pieds)
- Que votre cheval ne s’effondre pas et ne pèse pas sur la main
- Que sur le dos de votre cheval, vous avez la sensation d’être assis sur une vague et non sur un bloc béton
- Que votre cheval se déplace avec son dos, et non juste avec ses membres. Vous sentirez le dos bouger au pas, au trot, se soulever souplement à chaque foulée.
Cheval sur la main, l’encolure est soutenue, la nuque est le point le plus haut, le chanfrein en avant de la verticale. Toutes les actions de mains partant de cette attitude passeront par le dos pour arriver sur l’arrière main. C’est à partir de cette posture que nous pourrons efficacement reporter du poids sur l’arrière main et rassembler son cheval, pour exécuter des airs de haute école.
Cheval sur la main, mais ne soutenant pas assez son encolure.
La nuque s’effondre un peu, l’encolure est arrondie et c’est son milieu qui se retrouve en point le plus haut. Il faut du temps pour fortifier les muscles de l’encolure, avec le temps ils se renforceront, le cheval se grandira et soutiendra son encolure de plus en plus longtemps pour rester dans l’attitude photo1. Vous ne pouvez pas reporter de poids sur l’arrière main dans cette attitude. Laissez redescendre vers le bas votre cheval et remontez le pour retrouver l’attitude de la photo 1. Avec tact et légèreté, un cavalier expérimenté réussira à conserver son cheval dans l’attitude photo 1, mais il sentira aussi la limite à ne pas dépasser et saura faire redescendre son cheval à chaque fois que cela est nécessaire.
Et la bouche, et l’Articulation Tempo Mandibulaire dans tout ça ?
Je ne vous ai pas parlé de l’articulation temporo-mandibulaire (A.T.M.) volontairement. J’ai souvent entendu de beaux discours de la part de professionnels qui en citant des « grands maîtres de l’équitation » ne parlent que de l’ATM et lorsque je regarde leurs chevaux au travail, je constate qu’ils ne sont en aucun cas détendus mais raidis et handicapés par des actions de mains coercitives, cherchant à obtenir la mobilisation de cette articulation. Aujourd’hui, tous mes chevaux et cavaliers, travaillent dans le calme, et leurs chevaux n’ont absolument pas la mâchoire serrée.
Vous pouvez jouer autant que vous voulez avec vos mains, c’est une hérésie de penser pouvoir rentrer dans le corps du cheval en cherchant à mobiliser l’ATM. Je peux vous assurer que si vous n’avez pas la connexion avec la tête de votre cheval, vous n’entrerez pas dans son corps. Si votre cheval est contracté raidi dans sa ligne dorsale, l’amener à mobiliser cette articulation a pour effet de ramener la tête sur le poitrail, et donc de cacher une mauvaise posture, en donnant l’illusion d’une mise sur la main alors que le cheval souffre. La décontraction mentale et physique n’a rien à voir ou presque avec cette articulation.
Quand utiliser cet exercice ?
Cet exercice est à effectuer à chaque séance, quelle que soit la discipline pratiquée. Que l’on fasse du dressage de l’obstacle ou autre, votre cheval aura besoin d’étirer régulièrement sa ligne du dessus non seulement au début mais également au cours de la séance.
Il ne faut pas garder pendant toute une séance un cheval dans une même posture, il cherchera à s’en soustraire.
Ce n’est pas un rapport de force qui doit s’établir entre vous et le cheval, mais une relation harmonieuse et respectueuse de l’échelle de progression pour atteindre vos objectifs.
Comment se servir de mes mains et de mes jambes ?
En ce qui concerne les mains et les jambes, il faut s’en servir délicatement. Sentir la ligne du dos pour pouvoir se servir d’une façon très précise de ses aides est essentiel pour parvenir à travailler l’équilibre de son cheval. Si vous sentez votre cheval peser sur la main, c’est qu’il ne se tient pas, qu’il n’est pas en équilibre. Vous devez réussir à obtenir son consentement, la confiance en votre main. Avoir son cheval sur la main, ce n’est pas avoir des kilos dans les bras, mais quelques grammes, avec un cheval qui accepte, confiant, les demandes du cavalier, en se tenant dans un équilibre correspondant à son niveau de dressage.
Pour finir
Ne regardez pas la tête du cheval, mais plutôt l’endroit où vous allez l’emmener, (de la même manière que lorsque vous êtes en voiture ou en vélo, vous ne regardez pas le volant, ni votre guidon).
La mise sur la main, c’est le bon fonctionnement des postérieurs, ils doivent pousser et transmettre via un dos décontracté, libre, tendu, leur puissance vers l’avant. La tête et le chanfrein en place, sont le résultat, la conséquence de ce bon fonctionnement.
L’impulsion de votre cheval vient de son envie de se porter en avant, et non de l’action abusive des jambes qui vont le déséquilibrer sur les épaules… ceci dans le but de le faire engager….. !!!!!
Il faut quelques années de pratique comme pour n’importe quelle autre activité sportive pour se perfectionner et faire de l’équitation de dressage, un art.
« La finalité du mouvement c’est l’art équestre et l’art équestre c’est : créer, recevoir, maintenir et orienter les poussées du cheval, dans l’harmonie physique et morale » (J.M DENOIX)
A vous maintenant, entraîneur, de réussir à vous faire comprendre de votre cheval pour en faire un athlète heureux et expressif.
Isabelle Voiturier
12 janvier 2017 at 8 h 48 minC’est exactement cela ! Bien expliqué, tellement « simple » et compréhensible par tous et toutes… Quant à l’appliquer, c’est une question de volonté… et de respect de ce merveilleux partenaire qu’est notre cheval… Merci beaucoup !!!
Sarah
26 avril 2017 at 18 h 04 minUn article très instructif et plein de bon sens. Beaucoup d’idées reçues circulent dans le milieu équestre, c’est le cas notamment pour la mise en main, la légèreté et l’épaule en dedans, qui ne sont souvent plus que des concepts réduits à une coquille vide justifiant beaucoup de douleurs infligées aux chevaux. Ces idées sont pourtant facilement balayées par un peu de réflexion et de bon sens. Merci donc de participer à cela !
Michel Décourt
20 janvier 2018 at 11 h 42 minQuel baume que votre étude ! Tout le monde m’exhorte à faire baisser la tête de mon cheval (un pur-sang arabe baisse-t-il la tête comme un autre ?). Évidemment, comme vous le dites, en « pianotant » sans cesse, les mains basses, et avec force actions de jambes…
J’ai parlé un jour avec une cavalière allemande, vétérinaire de surcroît, qui analyse la situation comme vous. Une nuque trop baissée creuse le dos… C’est tout le contraire de ce que l’on recherche.
Merci !
Bernadette Steffen, Cavalière, Enseignante DE
24 janvier 2018 at 8 h 32 minTout d’abord, merci pour l’intérêt que vous avez porté a la lecture de mon article.
Cependant je n’ai pas bien compris votre remarque concernant la nuque. Un nuque trop baissée ? Je voudrais juste éclaircir ce point, car dans l’article je parle d’une nuque effondrée sur un cheval enfermé, avec une ligne du dessus contractée.
Un nuque trop baissée ne creuse pas le dos, si le cheval est bas et s’ouvre en étirant sa ligne du dessus.
Est-ce bien cela que vous avez compris ?
DECOURT Michel
24 janvier 2018 at 8 h 34 minN’ayez crainte, il me semble avoir compris votre excellent article, plein de sages conseils. Je parlais du cheval encapuchonné. Votre progression, de l’extension d’encolure à un travail plus rassemblé, me plaît beaucoup.
Merci encore pour cette synthèse !