Le contact : le lien subtil entre la main du cavalier et la bouche du cheval

Le contact : le lien subtil entre la main du cavalier et la bouche du cheval

Le constat

Les actions de mains sur la bouche du cheval sont mal comprises, mal interprétées et source de nombreux problèmes rencontrés par les cavaliers avec leurs chevaux. La plupart des cavaliers ne pensent qu’à leurs mains et sont obsédés par l’attitude de la tête et l’orientation du chanfrein de leurs chevaux. La pratique de l’équitation se résume souvent à une succession de demande par cisaillement sur la bouche du cheval, par des bras et des mains basses raidies pour contraindre le cheval à ramener sa tête sur le poitrail alors même que la connexion entre l’avant et l’arrière main n’est pas obtenue et que le dos du cheval est creux. Toutes ces actions auront pour effet de verrouiller la nuque du cheval entrainant également la rigidité de la ligne du dessus et le verrouillage de l’articulation lombo-sacrée. Le cheval ne se déplace plus en utilisant son dos mais en gesticulant avec ses membres.

Un cheval verrouillé de la nuque, c’est comme une porte fermée à clé, condamnée. En aucun cas il ne doit y avoir d’articulations verrouillées, cela n’existe que dans les sports de combats pour encaisser les coups.

Peut-on appeler cela du sport ou de l’art équestre ?

Comment peut-on trouver le sens de l’équilibre de cette manière, en utilisant la force avec des mors et des enrênements puissants qui font du cheval un esclave muet impuissant à se défendre face à un cavalier ignorant tout des règles de l’équilibre.

Des chevaux la bouche ouverte, des chevaux la langue pendante, le regard vide rempli de détresse, de souffrance. Des muserolles serrées à bloc !! Des anti-passe langue !!! C’est beaucoup trop souvent le  tableau des chevaux de compétitions. Autant d’accessoires de torture pour les chevaux. Dans cette attitude barbare le cheval  ne peut même plus voir ce qui se passe devant lui !! Comment est-il possible d’en arriver à ces extrêmes ?

Un cheval qui se sent agressé ou stressé par une action de main incohérente va réagir en fuyant. La douleur persistante va conduire le cheval à se soustraire des actions de mains du cavalier. Il n’aura alors  que le choix de passer sa langue par-dessus le mors (pour certains) ou de s’enfermer  donnant au cavalier l’impression de légèreté. Le chanfrein passe derrière la verticale, l’encolure cassée entre la deuxième et troisième vertèbres. C’est malheureusement le tableau que je vois régulièrement lors de mes déplacements.

« Ficelé », emprisonné de la sorte, le cheval ne pourra pas trouver son équilibre, il va se durcir, se raidir ce qui entraînera des pathologies articulaires, ligamentaires ou tendineuses très graves par la suite.

Vers plus de sensibilité et de reflexion

Il ne faudrait jamais perdre de vue que l’équilibre et la maîtrise de soi est au cœur de chaque discipline. Le sport sollicite tous les registres de notre être, le corps, le mental, les émotions et fait appel à des capacités de concentration et de précision gestuelle rigoureuse, habile et complexe.

 Par conséquent :

  • Trop de force ou de raideur vont inhiber les sensations subtiles.
  • Des assouplissements efficaces vont développer le sens proprioceptif tout aussi important pour le cheval que pour le cavalier.
  • Un état de conflit émotionnel va rompre l’équilibre physique et psychique, engendrer tension et incompréhension et bloquer l’énergie dans votre corps ainsi que dans celui du cheval.

Comparée  à d’autres disciplines, la pratique de l’équitation est très individualiste. Il serait souhaitable et indispensable pour tous les cavaliers de pratiquer une autre discipline artistique. Dans la majorité des conservatoires il est fréquent d’échanger entre les artistes, cela développe la sensibilité, la concentration, favorise les échanges d’idées et de bonne pratique dans un esprit de respect mutuel.

Jouer d’un instrument à cordes et sentir à quel point il est important de doser chaque action de mains afin de traduire un son  harmonieux et communiquer une émotion. Des doigts lourds, des bras et une main contractés ne produiront jamais une musique emprunte d’une réelle émotion.  Les rênes sont les cordes de votre instrument pour communiquer avec votre cheval.

Danser avec un partenaire et sentir à quel point il est important de ne pas avoir de contractions dans les mains et dans le bras pour que le mouvement soit fluide et harmonieux. La bouche de votre cheval c’est comme la main de votre partenaire de danse.

A cheval trop souvent, le cavalier inflige à la bouche du cheval des actions de mains totalement disproportionnées, inutiles et nuisibles, qui vont rendre la bouche du cheval dure et résistante. Une main dure ne permettra pas au cheval de se livrer, dans un déplacement fluide et harmonieux.

L’orientation du regard est importante, la position du regard modifie l’équilibre. Il en est de même à cheval. Dans la course à pied les bras sont un élément indispensable à l’équilibre, ils servent de balancier et il est improbable de faire une course les bras attachés. Chez le cheval c’est l’encolure qui lui sert de balancier et elle doit rester libre.
Pour comprendre ce que vivent de nombreux chevaux aujourd’hui, essayez d’aller courir quelques kilomètres en regardant vos pieds, les bras attachés le long du corps en portant un sac à dos d’environ 10-12 kilos.

La bouche du cheval et la place du mors

Les lèvres et le bout du nez dotés de vibrisses sont des zones très sensibles et donnent des informations très subtiles pour aider à la préhension des aliments afin de les trier efficacement.

La langue, est un muscle très irrigué et innervé et de ce fait très sensible.   Des actions de mains  basses ainsi que les mors à branches  qui agissent sur la langue en la comprimant douloureusement conduisent le cheval  à se soustraire aux actions de mains du cavalier en s’enfermant et/ou à passer sa langue par-dessus le mors.

L’espace entre les incisives et les prémolaires de la mâchoire inférieur forme les barres et c’est à cet endroit que le mors doit se positionner. Il doit être en contact doux avec la commissure des lèvres. Il est inutile de faire des plis.

La mâchoire supérieure – le maxillaire (fixe)- et la mâchoire inférieure – la mandibule (mobile)- sont reliées par l’articulation temporo mandibulaire (ATM). Pourquoi chercher à mobiliser cette articulation et en même temps à utiliser des muserolles et noseband trop serrés ? Mobiliser cette articulation par des actions de mains sur la bouche du cheval aura pour effet  de refermer l’angle tête encolure  et de verrouiller la nuque.

La décontraction de la mâchoire n’est pas un préalable mais les conséquences d’un bon fonctionnement physiologique et psychique du cheval. Pour s’en convaincre il suffit de regarder certains chevaux de dressage, la bouche ouverte, les lèvres retroussées,  mâchouillant nerveusement,  la nuque verrouillée,  contractés dans tout leur corps et gesticulant avec leurs membres pour se déplacer avec un dos raide et durci.

Les parotides (glandes salivaires principales) sont situées derrière la mandibule. Elles peuvent être très douloureuses, inflammées  et gonflées chez les chevaux ramenés à outrance.

Le rôle des mains

Elles ont plusieurs rôles : plier l’encolure du cheval, le rassembler, le conduire. Elles agissent par l’intermédiaire du mors à la commissure des lèvres pour passer par la nuque puis le long d’un dos libre et tendu pour agir sur l’équilibre, laisser passer l’impulsion vers l’avant ou vers le haut. Les mains orientent, en accord avec les autres aides, l’attitude toute entière du cheval.

Pour être efficace, chaque action de mains ne doit durer qu’une fraction de seconde, elles doivent revenir au « point mort », c’est-à-dire mains côte à côte, les pouces sur le dessus, le plus rapidement possible après chaque action. Les demandes et actions peuvent être répétées autant de fois qu’il le faut mais ne doivent pas durer dans le temps. Les actions de mains, doivent être précises et douces pour orienter et demander sans tirer.

Les mains doivent pouvoir agir ensemble ou indépendamment l’une de l’autre, être détachées du reste du corps. Le cavalier doit apprendre à suivre la bouche du cheval grâce à la mobilité des articulations des épaules et des coudes, sans contraction active des muscles des bras. Toutes contractions parasites diminuent votre sensibilité, votre disponibilité et se dresse comme un obstacle entre vous et votre cheval.

Le contact se résume donc au poids des rênes dans les mains et au léger contact avec la bouche, car il n’est pas nécessaire de tenir des kilos pour obtenir du cheval un mouvement, une attitude. Des actions légères, délicates sont beaucoup plus efficaces que des actions dures. En aucun cas vos mains ne doivent agir comme un frein à main, vos bras et votre corps ne doivent pas se raidir sur une action mais toujours suivre le mouvement.

Les rênes ne sont pas tenues avec vos bras mais avec votre bas du dos. Les bras doivent être élastiques et suivre la bouche du cheval et le mouvement vers l’avant.

Des mains hautes ou basses ? Des rênes ajustées ?

La hauteur des mains, la longueur des rênes dépendent principalement du degré de rassembler du cheval ; par exemple elles doivent être ajustées en permanence pendant la séance de travail sur un cheval au débourrage ou sur un cheval à rééduquer. Il faut agir avec ses mains de façon délicate et progressive pour rassurer le cheval et lui faire comprendre ses demandes comme une aide et non comme un objet de torture désagréable et douloureux. Des rênes trop courtes verrouillent la nuque et par conséquent raidissent la ligne du dos.

Dans tous les cas, les mains doivent être positionnées au-dessus de la bouche du cheval. La hauteur des mains doit s’ajuster de façon à ce que le mors agisse à la commissure des lèvres et non sur la langue en l’écrasant ayant pour effet  ce que nous avons d’ores et déjà  dénoncer : voir le cheval s’ouvrir la tête en l’air, s’enfermer pour se soustraire aux actions de mains du cavalier ou encore de passer sa langue par-dessus le mors.

Il convient donc de monter ou descendre ses mains, de rallonger ou de raccourcir les rênes pour s’adapter et trouver la bonne longueur de rênes et hauteur de mains afin d’obtenir le placer souhaité en fonction du niveau de dressage du cheval. Il est fondamental de faire comprendre au cheval en toute confiance et délicatesse que notre main est un moyen de communication avec lui. Par la suite un cheval ayant appris dans le confort à se porter et se placer n’aura nulle envie de s’ouvrir ou de se renverser. Les actions de mains du cavalier deviendront infimes et discrètes avec juste un contact de quelques grammes.

Vous êtes le chef d’orchestre et si vous avez bien construit cette étape avec vos mains et que votre cheval se laisse diriger en toute confiance, vos mains se feront discrètes et il suffira d’une petite contraction musculaire de vos mains en accord avec les autres aides pour réussir à obtenir de votre cheval qu’il se déplace dans l’équilibre que vous avez choisi.

Quel mors ?

Il existe de nombreux mors sur le marché, des mors pour faciliter l’obtention du placer de la tête, des mors agissant sur l’équilibre etc. La  meilleure méthode reste à mon sens d’éduquer chaque cavalier afin de comprendre l’influence de ses actions de mains sur la bouche du cheval et d’agir de façon réfléchie.

Les outils utilisés pour essayer d’avoir son cheval en place, ne servent qu’à cacher et masquer les problèmes mais en aucun cas à les résoudre. Chaque cas, chaque cheval doit faire l’objet d’une étude bien particulière pour adapter le travail afin de le rendre le plus juste possible en respectant une échelle de progression douée de bon sens. Grâce à un travail de patience et de constance,  on obtiendra un rassembler bien meilleur qu’avec une quelconque contrainte.

Un cavalier qui n’est pas en mesure de s’équilibrer et d’équilibrer son cheval avec un mors simple, ne devrait jamais avoir entre ses mains un mors plus puissant.

Pour ma part, je règle tous les problèmes avec des mors les plus simples et les plus doux possible.

Pour conclure

La bouche des chevaux est précieuse. La fermer hermétiquement par des muserolles serrées ou démultiplier les actions de mains par des enrênements est à mon sens un acte de maltraitance et de violence cachée et traduit une incompétence, un manque de technique du cavalier qui pense solutionner cette carence par une soumission brutale imposée, plutôt que par un approfondissement de ses connaissances.

Un cheval qui a compris et accepté le contact avec la main du cavalier, se laisse conduire en toute confiance. A sa guise le cavalier pourra agir en accord avec les autres aides pour reporter du poids sur l’arrière main ou laisser passer l’impulsion vers le haut ou vers l’avant. Le cavalier aura le sentiment de tenir quelques grammes (le poids des rênes) dans la main et toutes ses actions seront efficaces et comprises par le cheval. Au fil du dressage, les mains se feront de plus en plus discrètes pour ne devenir que d’infimes micro contractions associées au reste du corps.

Votre cheval doit apprendre à se tenir en équilibre, votre main n’est là que pour le guider et non le porter.  Un cheval se déplaçant dans un juste équilibre, se grandit comme un danseur, il utilisera son dos pour se déplacer et le cavalier n’aura en aucun cas besoin d’outils pour refermer l’angle tête encolure.

« La finalité du mouvement c’est l’art équestre et l’art équestre c’est : créer, recevoir, maintenir et orienter les poussées du cheval, dans l’harmonie physique et morale » (J.M DENOIX)

 

C’est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions
N’hésitez pas à me contacter par mail

 

2 Commentaires

  • Agathe

    9 septembre 2018 at 21 h 19 min Répondre

    C’est un tel plaisir de lire votre article… un immense merci !

  • nathalie

    9 octobre 2018 at 11 h 42 min Répondre

    Bonjour Bernadette,

    J’ai une jument depuis 5 ans avec laquelle j’ai du mal à obtenir le « placer », en tout cas, cela prend du temps. Je retrouve ma sensibilité dans vos articles, qui n’est visiblement pas la même que mon coach… Je travaille sans enrênement, avec un mors de filet simple. Les séances avec ma jument, en présence de mon coach, sont vécues comme une lutte : raccourcir les rênes, « fermer » mon cheval etc.. jusqu’à ce qu’il cède. Nous sommes loin de la légèreté dont je rêve. Je cherche toujours la clé….

    Merci pour vos conseils,

    Nathalie

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